Je suis venu chez toi deux jours avant
le départ.
Tu nous avais invités à manger
mais avec le préparatifs
on avait pas vraiment pu.
Le mardi, Carole se faisait tatouer en
ville -
j'avais du temps à tuer,
j'avais tout l'après midi,
c'était une bonne occasion de te dire
au revoir
avant un bon moment.
On s'était dit qu'on jouerait à la
console.
Je savais que tu n'avais plus beaucoup
d'argent
à peine assez pour la fin du mois
alors je suis passé faire des courses
-
deux bouteilles de soda
et un paquet de trois saucissons,
les moins chères
(tu m'as pas surnommé le juif pour
rien)
je savais que ça te ferait plaisir,
je commence à te connaître
quand même,
après 20 ans !
En sonnant chez toi,
- j'étais en avance -
tu m'as ouvert et on a fait une blague
sur le gars qui faisait le ménage.
Tu faisais le tient
et tu étais un peu contrarié de ne
pas avoir pu le terminer.
T'as quand même passé le balais
et fais une partie de ta vaisselle.
Je me suis accroupi prêt du radiateur
et caressé le chat.
Après ça
J'ai enlevé mes chaussures et
nous sommes passés au salon.
j'ai vu que ça n'allait pas comme
d'habitude
et en effet, le mois avait été dur
( des problèmes d'argent
et de propriétaire).
J'ai sorti les courses
et une figurine Star Wars
que je t'avais emmené
pour compléter ta collection.
T'étais comme un gosse
et j'adore te voir comme ça
(heureux quoi).
T'as avalé un des saucisson et
ça t'a redonné des couleurs
(t'étais tout de même un peu pâle)
et avalé deux verre de soda.
Nous avons joué à la console
et nous avons rit.
Puis nous avons fait une pause
On parle du travail (c'est pas jojo)
et des filles
puis nous avons commencé à parler des
planètes
de l'espace et d'autres mystères de ce genre
(les extra terrestres)
Tu connaissais bien le sujet :
Le big bang,
l'origine de l'univers
les trous noirs
les étoiles
et les planètes.
C'est tout de même un putain de bordel
nous là, assis,
à faire des schémas avec une salière
et une poivrière
pour tenter de se représenter
l'expansion
des galaxies.
Tout ça avec en fond sonore
le bruit émit par Saturne.
Le gros trip.
Il a fallu se dire au revoir.
Je suis sensé ne pas te revoir d'ici
un an
alors j'ai fais un truc que j'ai
toujours voulu faire
mais que je n'ai jamais osé,
avec toi :
je t'ai fais la bise.
Va savoir pourquoi
j'ai toujours cultivé cette distance
avec toi -
question de virilité.
Bien sur
ça a été d'une maladresse
embarrassante.
Je suis allé à la voiture
et j'ai fais demi-tour
pour te saluer à nouveau.
Tu l'as fait arrêter
et m'a demandé en me montrant les
publicités
si je voulais de la lecture pour
l'avion.
Quel con.
J'ai redémarré.
C'était pas rien de te dire au revoir.
Au croisement des deux rues
j'ai eu comme un haut le cœur
une boule dans la gorge
et j'ai failli chialer.
Cette histoire d'espace et d'univers
d'origine de l'homme
et de sens de la vie,
tout ça avait une résonance avec mon
départ proche
et ça m'avait un peu retourné.
J'y ais longtemps pensé dans la soirée
et je n'étais pas tout à fait
moi-même.
Quelques minutes avant de décoller
tu m'écris pour me dire que tes soucis
d'argent
s’aggravent et que ta santé déraille
un peu.
Je passe la porte d'embarquement
avec les larmes aux yeux.
Je me casse à 20 000 km d'ici,
j'ai l'impression d'abandonner un ami,
d'être un lâche -
je me sens impuissant.
Heureusement,
un autre ami commun est là pour
veiller sur toi
et puis il y a ta fiancée bien sur,
donc j'essaie de ne pas me faire trop
de souci.
Mais dans l'avion
voilà que ça me reprend.
Je me dis que j'aurais pu te faire plus
de course l'autre fois,
t'acheter au moins ça, où ça,
où encore ça et
je m'en veux
et j'ai de nouveau envie de chialer
(quelle tarlouze, tu vas penser...)
(quelle tarlouze, tu vas penser...)
Si nous ne sommes que des équations
mathématiques
alors nous ne sommes pas seulement des
inconnues,
mais un calcul complexe à résoudre -
et c'est le destin, la fatalité ou la
chance
qui semble souvent s'en occuper.
Mais si tout ça nous échappe
(l'univers et tout et tout)
(l'univers et tout et tout)
on peut au moins se serrer les coudes
dans tout ce merdier intergalactique
qui finira un jour ou l'autre
par nous exploser à la gueule.
Dans l'avion
je regarde un film appelé « Les
deux amis ».
Je pense à toi.
Avion Paris-Dubai
Pour Bruce