lundi 30 avril 2012

Il y aura toujours une âme charitable pour prendre soin de ton désespoir


On avait pas vu le matin se lever
Dans le couloir des urgences.
Nous venions d’y amener une paumée
Explosée au sky et aux médocs.
J’avais passé une heure assis sur elle,
Moitié à poil
Pour pas qu’elle se jette dans l’escalier
Et qu’elle ne massacre pas tout dans la chambre.
Elle hurlait que ses chevaux allaient mourir,
Et moi je lui demandais sans cesse son prénom
Pour qu’elle ne perde pas complètement la boule.
Finalement, les urgences ont transpercées la nuit
Avec leur sirène silencieuse
Et sont venu la chercher.
Fallait qu’on vienne avec elle
Alors on s’est rhabillé fissa
Et on est monté dans ce camion.
Je m’étais toujours demandé ce qu’il pouvait se passer
Dans les ambulances,
Surtout à 5h du matin.
Maintenant je sais,
Et c’est pas du joli.
Elle continuait à hurler sur la route
Et le mec essayait de la calmer.
Elle était persuadé qu’on allait la foutre en taule,
La pauvre, elle avait l’air d’en avoir chié un maximum.
Le médecin de garde était navré du spectacle,
Ils nous ont posé des questions,
On savait rien sur elle.
Après l’avoir sanglé,
Les médecins l’ont balancé dans le couloir d’attente,
Ça devait ressembler à l’enfer,
Avec des néons et une odeur de naphtaline.
On pouvait rien faire de plus
Alors on est sorti de l'hôpital.
Je me demande ce qui nous faisait
Tenir encore debout. 
Bien sur, personne ne pouvait nous ramener
Alors on a pris nos estomacs retournés
Nos cœur en vrac
Et nos yeux en tourne vis
Puis on s’est traîné le long des rues avinées.
Quelques rescapés nous ont balancés des regards tendres
Et nous on se tenait par le bras
Comme des vieux compagnons de route.
Une fois arrivé chez toi,
On avait plus qu’à se coucher avec la lune.
Toi, sans gêne aucune,
Alors que t’étais presque une inconnue,
Tu t’es mise dans les draps les seins nus.
J’ai rien dit,
Me suis couché.
J’ai mis du temps à me remettre de ces conneries,
Suffoquant, enchaînant des rêves tous plus absurdes
Les uns que les autres,
Je ne savais plus où j’étais,
Comment je m’appelais.
Puis finalement, on a repris là où on s’était arrêté,
Avant que cette fille ne parte en vrille.
J’ai pris ta main,
J’ai enlacé mes doigts avec les tiens,
J’ai longé ton bras.
Tu t’es collé à moi,
Un peu
Et puis un peu plus,
Comme un singe qui s’accroche à une branche.
Putain, moi aussi j’avais besoin de me raccrocher
A quelque chose.
Alors je t’ai pris dans mes bras
Et j’ai attendu
En tremblant.
Tu m’as demandé ce que j’avais –
Bordel ça faisait au moins une année
Que j’avais pas tenu une fille nue dans mes bras,
Que j’avais pas senti un autre corps,
Un autre épiderme
Un autre souffle.
On s’était embrassé pour rire dans le bar
Mais là, on rigolait plus.
Là, on parlait de tendresse,
De douceur
De sexe,
De folie.
Tout était évident.
Il a suffit que tu approches ta bouche
Pour que je la dévore,
Comme si tes lèvres m’avaient dit en chuchotant :
« Mais vas y espèce d’abruti,
Jamais personne t’as appris la vie,
T’as appris comment faire ?
Il faut quoi pour que tu jettes à l’eau,
Qu’on remplisse tes poches de cailloux ? »
Le baiser a duré cinq secondes -
Rien, mais déjà l’éternité.
Finalement, tu as sorti le refrain
« non c’est pas sérieux,
Il faut pas… ».
Alors je me suis retourné et
J’ai parlé au mur.
Mais tu es revenu te coller à moi,
Doucement,
Comme en rampant sur les draps.
Alors, pris par des spasmes,
Je t’ai embrassé à nouveau,
Encore et encore,
Te serrant dans mes bras
Pour pas que tu t’échappes -
Simple question de survis. 

Le médecin de garde a appelé
« Qu’est ce qu’elle a votre copine ? »
J’en sais rien,
La même chose que nous tous
Mais en plus fort,
Elle a pas su maîtrisé le virage,
Voilà tout.
Il a pas eu l’air convaincu.
A sa voix, en fait, il donnait l’impression
De ne rien en avoir à foutre
Et que c'était son quotidien.
Il m’a surement pris pour un camé
Ou un alcoolo ou un mec mal éduqué.
Je lui ai donné les réponses qu’il voulait
Et j’ai raccroché.
J’avais le ventre en mille morceaux,
La gorge nouée,
Le tournis,
Alors j’ai repris un peu de tes bras
Brûlant de compassion
Et de miséricorde.
Tu m’as apporté le petit déj' au lit,
Un bol de céréales,
Les mêmes que quand j’avais six ans.
Ça m’a réconforté un moment,
Même si j’ai eu du mal à les avaler.


J’en pouvais plus d’être dans l’obscurité
Alors j’ai traîné mes paupières jusqu’à la fenêtre.
J’ai ouvert les volets
Et retrouvé la vie.
On a chassé les heures,
Le dimanche
Puis tu t’es rhabillée,
Et on a filés chez un ami.
Je me suis laissé traîner,
Ne maîtrisant plus rien,
Les rues,
Les virages,
Les passants,
Les lendemains,
Tout défilait.
J’ai profité de tes longues jambes
Sous le tableau de bord,
Et je me suis dit
Que finalement il y avait une justice :
Les perdants ont toujours leur revanche.

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